Alfie Kohn est
un ancien professeur aujourd'hui devenu conférencier et auteur. Dans son
article Du constat des effets
dévastateurs de la notation à sa suppression paru en mars 1999, il explique
quels sont les dangers de la notation dans les écoles primaires et secondaires
et propose des pistes de solution pour les professeurs qui voudraient s'en
défaire.
D'abord, il s'appuie sur plusieurs
études afin d'identifier les effets de la notation. Les trois principaux sont
que la notation réduit l'intérêt pour l'apprentissage lui-même, ce qui
s'explique par le fait que les élèves se mettent à voir les notions
"importantes pour l'examen" comme une corvée. Puis, la notation
aurait tendance à réduire la préférence des étudiants pour les tâches
représentant un défi puisqu'ils préfèrent faire une tâche simple qu'ils ont
déjà fait afin d'obtenir une bonne note plutôt que d'explorer des nouvelles
connaissances. Comme le mentionne l'auteur, ce n'est pas tellement qu'ils sont
paresseux, ils sont surtout rationnels. Finalement, le fait d'attribuer des
notes aux élèves amoindrirait la qualité de la pensée des étudiants. En effet,
puisque les jeunes ont tendance à ressentir moins d'intérêt pour ce qu'ils
apprennent lorsqu'ils savent qu'ils vont être noter, il est normal qu'ils ne
s'investissent pas dans des réflexions sur ces mêmes notions. Une étude a
d'ailleurs prouvé que les jeunes qui se tiennent au courant de l'actualité dans
le seul but de rechercher des choses qui pourraient leur permettre d'obtenir
des meilleures notes seraient moins bien informé que les autres.
Ensuite, Kohn poursuit sur sa lancée
en identifiant des raisons supplémentaires d'abolir le système de notation
actuel. Parmi celles-ci, notons le fait que les notes n'apportent aucune
information utile à l'apprentissage et que, de toute façon, elles sont
subjectives. Puis, selon l'auteur, le temps nécessaire à la correction et à ses
dérivés serait mieux investi si on le consacrait à l'apprentissage en tant que
tel, ce qui devrait être le but réel de l'école. Aussi, l'esprit de compétition
engendré par les notes empêcherait la coopération, qui est pourtant essentielle
dans le développement de plusieurs compétences. Comme le mentionne l'auteur en
parlant de la courbe de Gauss et de ses répercussions: «[...]
on leur envoie le message que le but n'est pas d'apprendre, ni même d'être
performants, mais de battre les autres. [...] C'est la nature de la motivation
qui compte, pas seulement son ampleur. »
Puis, l'article met la lumière sur
les difficultés concrètes d'abolir les notes, les objections habituellement
entendues dès qu'il est question de changer ce système et les réponses à ces
objections. On entend souvent dire que ce sont les étudiants qui veulent des
notes. Peut-être, mais c'est parce que c'est ce qu'on leur toujours donné,
c'est ce qui a été valorisé depuis le primaire. Il faudrait donc que, dès les
premières années du primaire, on se concentre sur des formes d'évaluation plus
constructive (ex: rétroaction, portfolio, etc.) plutôt que sur des notes telles
qu'on les connaît. Pour ce qui est des enseignants qui croient que leurs élèves
n'auraient aucune motivation d'aller à leur cours si ce n'était des notes
attribuées, Kohn leur répond que s'il faut des pot-de-vin pour obtenir des
élèves une participation en classe, le problème tient peut-être plus des
pratiques pédagogiques de l'enseignant que des conséquences réelles de
l'absence de notation. Finalement, l'auteur détruit l'argument voulant que les
notes soient nécessaires pour entrer à l'université en affirmant que la
notation n'est pas nécessaire
Afin
de réussir ce changement dans les établissements scolaires, il faut d'abord
entamer la conversation avec les acteurs impliqués, soit les enseignants, les
directions d'école, les élèves et les parents en ayant des faits et des
explications valables à leur proposer. Finalement, comme le dit Kohn, «la procédure de suppression de la notation
peut se faire en étapes», par exemple en commençant par supprimer ce
système pour les premières années du primaire ou par le pratiques les plus
nocives comme la "notation gaussienne". Bref, tous les enseignants
qui ne veulent plus contribuer à ce système mais qui y sont obligés devraient
essayer de réduire le nombre de notation par trimestre et d'impliquer leurs élèves
dans le choix des critères évalués.
Personnellement, j'ai adoré cet
article parce qu'il a clarifié toutes les faiblesses liées à l'évaluation par
notes et qu'il a proposé des pistes de solution tout en apportant des arguments
en faveur d'une évaluation plus saine. Je suis totalement d'accord avec cet
article, ce qui montre la progression réalisée depuis le début du baccalauréat
et, plus précisément, depuis le début du cours de Planification et évaluation des apprentissages.
J'ai bien aimé cette lecture. Elle m'a fait revivre toutes sortes de discussions, avec des enseignants, depuis les débuts de l'implantation de la réforme. L'évaluation est vraiment une difficulté pour évaluer des compétences: difficile à mesurer précisément.
RépondreSupprimerOn oublie que l'évaluation a deux fonctions: aide à l'apprentissage (on évalue pour faire apprendre, faire progresser...) et reconnaissance des apprentissages (on fait le point en attribuant une note au bulletin). La première fonction (aide) devrait être au centre de nos interventions.
Souvent, on utilise les notes comme "pot-de-vin" car on a peur que l'élève participe moins (ou pas du tout). C'est vrai qu'on les habitue (et nous aussi) à essayer de "performer" pour une bonne note.
Comme complément d'information, il faut remarquer que les élèves de Finlande, qui réussissent parmi les meilleurs au monde, commencent à sept ans, et ne sont pas notés au primaire.
À lire ici:
http://www.infobourg.com/2012/10/29/les-etonnantes-particularites-du-systeme-educatif-finlandais/
Tu as fait une bonne réflexion pour écrire ce billet. Même si ce n'est pas "noté", tu as amélioré ta compréhension de l'évaluation. L'école est là pour nous faire apprendre. Il faut trouver des moyens pour motiver les élèves à apprendre à devenir meilleurs et pas seulement pour une note.